Le chemin que je prends est une aventure solitaire même si la Sangha est là.
J’ai l’habitude d’être ouverte sur les autres et ne surtout pas regarder sous mon tapis personnel,ce qui m’arrange bien. Non que je sois un monstre sur pattes mais j’ai beaucoup de mal avec le paradoxe de n’être rien mais pourtant autant d’avoir une précieuse existence.
La méditation est vraiment un pensum pour moi, effectivement je fais partie des 10 minutes qui me semblent être 4 heures. Je m’y oblige tous les jours, je m’assouplis dans ma posture et j’ai une forme de plaisir à ce RV. Pour autant me concentrer est très difficile “naturellement”, je me parle mal assez vite et suis dans le reproche de mon incompétence alors que je devrai laisser faire, pour l’instant je n’ y arrive pas.
Je me rends compte effectivement et concrètement que prendre refuge signifie aussi une profonde réorganisation de la vie pour les rituels. Je ne sais pas comment m’organiser en dehors de la prière du refuge et des 3 prosternations du matin. Bref le service minimum. Peut être peux-tu m’aider à définir ce qu’il convient de faire dans ce “maquis”? Je t’en remercie par avance.
Le principe de solitude triste et joyeuse me parle assez, je suis plutôt dans cet état d’âme avec une posture de pas de côté quand je me sens débordée par mes émotions pour reprendre pied dans une attitude la plus juste possible. J’ai aussi beaucoup d’interrogations sur mes engagements bénévoles, quelle est la part d’un ego en quête de reconnaissance? comment se détacher des horreurs que je vois, que je lis et dont je dois porter les plaidoyers pour les victimes? quelle est la part d’une fuite personnelle dans un emploi du temps plus que rempli d’une femme larguée par son mari après 30 ans de vie commune (comme tant d’autres) très bien entourée par ses enfants et ses amis mais qui fait des naufrages affectifs répétitifs dans ses rencontres amoureuses.
Le chemin spirituel est certes une aventure où nous sommes personnellement et directement concerné. Personne ne peut avoir des prises de conscience pour nous, ni faire les ajustements et découvertes qui s’imposent à nous. Ceci étant dit on ne voyage pas seul.
Il est important d’avoir un cap (l’éveil, la bouddhéité), des étapes rigoureuses mais réalistes (le Dharma) et un accompagnement bienveillant et expérimenté (La Sangha).
Tout le processus d’éveil appartient à l’expérience de la vérité relative, à ce point les concepts de vide (qui ressemblent à du rien ou du à quoi bon) sont inutiles.
Le refuge n’est pas avant tout un rituel mais un engagement en soi vers l’éveil en s’appuyant sur le Dharma et avec l’aide de la Sangha. Les étapes sont organiques et prennent en compte notre situation actuelle.
Voici ce que Thich Nhat Hanh en dit:
Le refuge est la reconnaissance et la détermination de se diriger vers ce qui est le plus beau, véridique, et bon. Le refuge est aussi la conscience que l’on a la capacité de comprendre et d’amour.
Le Bouddha est celui qui nous montre le chemin dans cette vie. Le Bouddha est le personnage historique qui a vécu il y a 2600 ans et tous nos enseignants ancestraux qui nous relient au Bouddha. Le Bouddha est aussi la nature éveillée dans tous les êtres. Chaque élément de l’univers qui nous montre le chemin de l’amour et de la compréhension, est le Bouddha. Le regard ouvert d’un enfant et le rayon de soleil poussant la fleur à déployer sa beauté contiennent également la nature éveillée.
Le Dharma sont les enseignements de l’amour et de la compréhension. Le Dharma est les enseignements du Bouddha historique et de ses descendants sous la forme de discours, les commentaires et les préceptes qui nous montrent le chemin menant à la paix et la perspicacité profonde, l’amour et la compréhension. Le Dharma est tous les éléments dans notre monde et dans notre conscience qui nous guident sur le chemin de la libération. Le Dharma vivant est contenue dans tous les univers. Le nuage flottant silencieusement montre la liberté et la chute des feuilles, nous donne une conférence du dharma sur la pratique du lâcher prise. Chaque fois que vous respirez en pleine conscience, marchez en pleine conscience ou de regarder une autre personne avec l’oeil de la compréhension et de la compassion, vous donnez une conférence silencieuse du dharma.
La Sangha est la communauté qui vit en harmonie et en sensibilité. Vos professeurs, vos amis et vous-même sont tous les éléments de votre Sangha. Un chemin dans la forêt pourrait être un membre de votre Sangha et ainsi, vous soutenir sur le chemin de la transformation. Vous pouvez partager vos joies et vos difficultés avec votre Sangha. Vous pouvez laisser aller et vous détendre dans la chaleur et la force de votre Sangha. La Sangha est une rivière, qui coule avec souplesse, en réponse à l’environnement dans lequel elle est située. Prenant refuge dans la Sangha, nous nous joignons au flux de la vie, qui coule et devenons un avec tous nos frères et sœurs dans la pratique. Dans le cadre d’un Sangha, vous trouvez la pratique plus facile et beaucoup plus agréable.
Tu peux commencer par créer un espace où chaque jour tu renouvelle cette conscience du refuge et de l’esprit d’éveil, avec des mots simples qui viennent de ton coeur. Fais une offrande à cet éveil, une lumière, ou un fruit, ou une fleur, un encens. Puis pose toi simplement dans l’observation de ton souffle pendant quelques minutes. Explores et apprécie cet espace de liberté que tu a ouvert. Bien sûr les habitudes sont encore fortes et tu sera souvent distraite, alors sans te houspiller, reviens à l’observation de ton souffle, encore et encore. Pour finir, partages ce moment en l’offrant pour la libération de toutes et tous.
Tu peux ensuite partir vers ta journée et nourrir d’instant en instant la conscience du refuge et de l’esprit de l’éveil au travers de gestes simples et humains d’écoute et d’actions empreintes de compassion.